Il n'est que temps |
Bien sûr, Belzeb n'était pas heureux à la pensée de prendre son tour de garde à la Centrale, ce qui allait lui faire passer un mois dans la solitude la plus complète, mais il ne rechigna pas -du moins, pas de façon visible- quand son calendrier lui apprit que le moment était venu de terminer sa longue période de congé pour reprendre le fusil et repartir vers ce coin paumé à la limite du Monde Connu... Après tout, peu pouvaient se vanter d'avoir comme lui un boulot aussi tranquille! Alors, avec résignation, il embrassa une dernière fois sa compagne et se mit en route, pour aller relever Marcus...
-"Lukas? Où es-tu?" La voix de Gwendoline resonnait dans les allées de la Bibliothèque, sans trouver d'écho... "Où peut-il bien être..." se demandait-elle avec une angoisse inexprimable. Mais en elle-même, elle savait qu'elle ne le trouverait nulle part. Son regard se figea dans le vague... Une éternité plus tard, ou presque, ses pas solitaires l'amenèrent à la section de la Bibliothèque dédiée aux travaux de son mari. Là, machinalement, ses mains se posèrent sur le premier volume de son dernier travail. Quand elle commença à lire, ses grands yeux noirs se mouillèrent de larmes.
-"Vengeance, viens un peu par ici un moment, s'il te plaît!", dit Xris en soufflant son impuissance à trouver une solution, sa main étendue en un signe d'invite à l'adresse de la louve.
Alexia souleva un sourcil; elle venait de déceler un éclair de
tendresse à la surface de l'esprit du musicien.
Bien entendu, Xris était resté sourd à cette conversation télépathique...
Leu ricana méchamment, en sifflant entre ses dents. Il avait juste pris l'apparence d'un fossoyeur des temps anciens et, aidé de quelques menuisiers, croque-morts et terrassiers, sans oublier le prêtre, était en train d'enterrer un détachement complet de chasseurs, avec leurs armes devenues bien inutiles... "Bon", se dit-il, "Je crois qu'il est grand temps de passer aux choses sérieuses... Xris devrait sous peu achever son travail, alors commençons dès à présent à semer la mort et la désolation à l'intérieur même de la ville!" S'adressant aux autres: "Vous terminez la cérémonie sans moi, j'ai à faire!". Ces derniers s'inclinèrent et se mirent en devoir de poursuivre la mise en bière des corps mutilés quelques minutes auparavant, lors d'une brève escarmouche. Le roi, quant à lui, se volatilisa.
0,446.984.757.653.589.793.238.462.643.383.279 C'est le nombre qu'indiquait l'afficheur que le conseiller Mivi venait d'installer dans la pièce où, désormais, il semblait passer tout son temps. "Bon. Trente-trois chiffres, cela devrait suffire jusqu'au dernier moment, comme la dernière fois." se dit-il, tout en achevant de ranger tous les appareils qui encombraient la pièce dans les placards muraux. A la fin, cette salle eut vraiment l'apparence austère que Mivi comptait lui donner; une fois le ménage fait, en effet, ce bureau donnait une bonne impression d'espace, et les murs, le sol, le plafond blancs, dispensant une lumière tamisée, aidaient l'esprit à se détendre. De hauts murs. N'y manquaient que les vitraux. Une ambiance parfaite pour la concentration. Au centre de la pièce, une table de grandes dimensions, blanche aussi, de part et d'autre de laquelle se faisaient face deux fauteuils. Blancs, évidemment: vous n'allez quand même pas douter des talents de scénographe du chef de la Police? Sur la table, le plateau de jeu d'échecs sans âge que Mivi avait récupéré dans un autre bureau semblait prêt pour une nouvelle partie. Mivi s'assit un moment dans l'un des deux fauteuils, savourant le résultat de son travail, la table, l'autre fauteuil, vide, et plus loin, derrière, sur le mur, l'afficheur. Tout semblait fin prêt. Mivi se leva et se dirigea vers la sortie de ses appartements.
Le ciel de l'Océan Pacifique était d'un bleu profond. Pas un souffle de vent ne venait apaiser la moiteur qui écrasait l'équipage trié sur le volet pour cette mission spéciale. Seule, une escouade de mouettes, qui avaient suivi l'ex-porte-avions depuis Pearl Harbour, semblait à la fête autour de la sortie d'évacuation de déchets. Sa main tremblait. La main de Ug Andar. Sa main tremblait de plus en plus, maintenant que le moment d'appuyer sur le bouton était venu. Non seulement Ug, qui n'aurait pas demandé mieux que de céder sa place, avait la main qui commençait à trembler, mais en plus une énorme boule bloquait tout mouvement de sa gorge. Son estomac était changé en pierre, ses jambes en gelée de groseille, son cerveau en mayonnaise rance. Et, détail qui ne manquait pas de parfum, il venait de comprendre pourquoi il vaut mieux ne pas faire un repas trop copieux la veille de déclencher l'Apocalypse. En un mot, Ug Andar, l'homme de fer, avait peur.
En fait, le nom de l'établissement de jeux, Casino de la Chance Verte, résumait assez bien ce qui s'y faisait sans qu'il soit besoin de rajouter sur sa façade le slogan bien connu "Jouez avec votre argent", mais toutefois la clientèle était généralement plus occupée à gagner parfois, perdre souvent à l'intérieur, qu'à admirer la devanture à l'extérieur. La clientèle? Une bonne partie de la bourgeoisie huppée, du tout-Eurar, c'est-à-dire ceux qui de toute façon avaient trop d'argent. Alors, évidemment, comment le patron aurait-il pu avoir le moindre scrupule à entretenir un parc de machines à jouer truquées de telle sorte que quatre-vingt quinze pour cent des mises lui reviennent? Oui, oui: il s'agissait-là d'une moyenne, bien sûr, mais la loi des grands nombres était pour lui, alors monsieur le directeur se prélassait mollement dans son fauteuil, regardant les chiffres varier continûment, prenant irrésistiblement un sens favorable à la croissance du chiffre d'affaire de son établissement... D'un simple battement de cils, il fit basculer la vue vers la scène centrale autour de laquelle étaient réparties les machines à jeu. Là, un couple de danseurs nus prenaient des poses particulièrement suggestives au son d'une musique au rythme hypnotique. C'était là la grande fierté du Casino, la grande trouvaille de ce directeur ambitieux: la cerise sur le gâteau, le petit plus qui faisait que ce lieu était préféré aux autres cercles de jeu par son public, bien que l'avantage de la banque soit ici outrancièrement exagéré. Il sourit. Il fit une fois de plus basculer la vue, cette fois-ci vers l'entrée. Tiens, justement, on accueillait un client apparemment important, puisqu'avec un luxe d'égards. Il attendit un peu que celui-ci arrive dans le champ de la caméra de surveillance... "Tiens, une nouvelle. Jamais vue." C'était une cliente, une femme extraordinairement belle, aux longs cheveux noirs qui couvraient ses épaules gracieusement comme un foulard de soie. Ses yeux bridés lui donnaient un air mystérieux en même temps qu'un charme fou, qui captivait tous les hommes alentour et rendait jalouses les femmes. Et elle était venue pour jouer dans ce casino. SON Casino. S'il n'avait eu le souffle coupé, le directeur aurait sifflé son admiration. "Eh... Pas mal!", laissa-t-il échapper, tout en appuyant sur le bouton d'appel d'un vigile, "Il me la faut!"
"Heu!..." Mivi était sur le point d'ouvrir la porte de chez lui, prêt à sortir, quand il s'aperçut de sa tenue. En effet, il eut été quelque peu gênant pour le chef de la Police de se rendre au Conseil Municipal tout nu! Et, plus encore, sans son déguisement! "Ma parole, je vieillis, ou quoi?", gloussa-t-il... Ce qui était, venant de lui, soit du plus haut comique, soit extrêmement inquiétant.
"Mesdames et messieurs", commença Gil Bates, l'homme le plus riche -et sans doute le plus haï- du monde, à l'occasion du conseil d'administration de sa nouvelle compagnie, la Société de Développement Spatial, "Aujourd'hui est un grand jour" Un silence respectueux et attentif accueillait ses paroles. Il se donna le temps d'une petite pause, afin de déguster cet instant d'intense plaisir, de plaisir d'exercer un pouvoir tel que la destinée de l'Humanité était sur le point de changer... Il repensa à sa vie passée, à tous ces évênements enchaînés, certains fortuits, dûs à d'incroyables coups de chance au départ, d'autres par la suite, soigneusement préparés, planifiés, qui lui avait permis, peu à peu, de prendre au niveau mondial le contrôle de l'industrie logicielle, puis informatique, puis électronique, et à présent astronautique... Pour user encore d'un cliché éculé, on pouvait dire que le Soleil ne se couchait jamais sur son empire, qui était présent dans chaque continent, chaque pays, permettant aux rouages de l'économie de tourner sans heurts, en échange d'une domination qui, sans être officiellement admise, n'en était pas moins bien réelle... Là où les nations avaient échoué dans la conquête de l'espace, Bates avait réussi, et au delà de tout ce qu'on aurait pu espérer: au lieu d'un assemblage hétéroclite de petits modules laboratoires automatisés, la Station que la S.D.S. avait mise en service et louait à ses occupants offrait l'aspect d'une roue gigantesque en orbite géostationnaire. La Station Un -c'était son nom- servait à de multiples utilisations: Laboratoires en microgravité, près du centre de la roue, qui tournait suffisamment pour qu'une gravité artifielle soit recréée à sa périphérie, Hôtels de luxe pour des croisières inoubliables loin des soucis de ce bas monde, Relais pour les bases minières sur la Lune... La Lune... Autre grande victoire de la S.D.S.: le retour, à titre permanent cette fois, de l'Homme sur le satellite naturel de sa planète, mais pour en exploiter les richesses minières, afin de construire une nouvelle Station... La Station Deux: elle flottait, en équilibre, à l'un des points de Lagrange entre la Terre et la Lune. Elle était d'une taille extraordinaire, au point que, certaines nuits, en faisant un peu attention, on pouvait, de la Terre, apercevoir un point lumineux, qui était en fait, vu de près, un cigare métallique de plus de quatre kilomètres de long, tournant sur lui-même autour de son axe. La Station Deux, que la S.D.S. ne destinait pas à la location, et dont seul Gil Bates connaissait l'usage final, était à présent achevée. Merveille de technologie, d'automatisme, couronnement de l'évolution technique humaine, contenant tout ce qui permettait de la considérer comme un monde en réduction... "Mesdames et Messieurs, disais-je", reprit Bates, "Aujourd'hui, je vous annonce mon départ pour la Station Deux, où m'attendent les sept cents membres d'équipage, pour son inauguration officielle" Les vingt membres du conseil d'administration applaudirent chaudement. Bates les laissa faire, puis les arrêta d'un geste, afin de continuer: "Comme j'ai l'intention d'y séjourner quelques temps, j'ai pris des dispositions spéciales quant à la gestion de la S.D.S. en particulier, et de l'ensemble de mon empire industriel et financier en général, en mon absence." Deux ou trois personnes s'entre-regardèrent, interloquées. "Comment cela? Vous... Enfin... Quelques temps...", se hasarda à bredouiller un directeur un peu plus âgé que les autres, ce qui le rapprochait d'autant de Bates. "Rassurez-vous, monsieur Gibbs, je ne fais que préparer mes vacances prochaines, qui seront, autant vous en avertir, un peu plus longues que d'habitude!", répondit le président.
Xris batifolait avec Vengeance, roulant avec la louve dans l'herbe, la caressant malicieusement dans le cou tandis que celle-ci faisait mine de l'étrangler entre ses mâchoires.. Alexia, dans un accès de jalousie, décida de s'en méler, et au bout d'un moment tous les trois s'amusaient ainsi, derrière la petite colline, oubliant un instant l'impossibilité de mener à bien leur mission...
"Allez. Il n'est que temps!", dit Gil Bates à Mitch Viktor, le capitaine, un homme qui eût pu paraître juvénile -vingt deux ans, d'après son dossier- si la nature ne l'avait privé de cheveux, et si son regard n'avait contenu une étrange lueur, reflet d'une intelligence spectaculaire qui lui avait permis d'être préféré à tout autre candidat à ce poste, lors du recrutement ultrasecret qui avait permis de doter la Station Deux de son équipage. Sept cents personnes composaient cet équipage. Hommes et femmes, ayant tous en commun leur jeunesse et le fait qu'ils étaient tous passés par des épreuves de sélection extrêmement sévères, ce qui faisait d'eux des êtres d'exception. Et parmi eux, aujourd'hui, pour ce grand jour de l'inauguration, le grand patron, un homme de plus de quatre-vingts ans, avec qui ils partageaient depuis le début le secret de la Station. Un secret qui n'en serait plus un dans quelques instants. "A vous l'honneur, Gil! C'est ce bouton qui déclenche le tout", préféra répondre viktor, usant d'un ton familier qui était de mise à bord. Les caméras retransmettaient en direct l'évênement à la plupart des chaînes de télévision, sur Terre. Tout en actionnant le système de mise à feu, Bates prononça quelques paroles, que l'Histoire retiendrait, ou ne retiendrait pas: "Citoyens de la Terre, vous qui assistez en ce moment de loin à la mise en service de ce dont vous entendez parler depuis plus de dix ans comme la Station Deux, il est temps pour nous de vous révéler la vérité..."
Le croupier n'en croyait pas ses yeux. Certes, il était encore débutant, il n'était à ce poste que depuis quelques mois, mais il n'avait encore jamais vu quelqu'un miser -et perdre- autant d'argent et avec autant de calme que cette femme. Celle-ci jouait des sommes qui auraient permis de faire vivre dans le luxe plusieurs familles nombreuses pendant des années, et elle perdait! De grosses gouttes de sueur perlaient au front du croupier, mais la superbe asiatique ne laissait paraître rien d'autre qu'un calme imperturbable, et peut-être un ennui profond. Venus de toutes les autres tables de roulette, ainsi que d'autres machines, une foule croissante de joueurs venaient contempler la scène, et jouer! Si, parfois, l'un d'eux se levait et partait, fortune faite, la plupart du temps, la bille retombait dans les cases de la banque, permettant au casino d'engloutir les mises phénoménales de cette mystérieuse femme... Vint le moment où, au moment de miser, et ne trouvant plus de plaquette à déposer sur le tapis, elle se tourna vers l'un de ses gardes du corps, qui lui répondit d'un hochement de tête plutôt négatif. "Ouf!", pensa le croupier, "Plus d'argent à miser, elle va probablement s'en aller!". Ah, ça, pour être soulagé, il était soulagé! "Ca y est, elle est à point!". Dans son bureau, le directeur, qui avait assisté à tout au moyen des caméras de surveillance, décida que le moment d'agir était venu. Il se leva, et franchit la porte de son bureau pour aller dans la salle, pensant à la nuit de rêve qu'il allait probablement passer.
"Il est temps que vous sachiez la vérité à propos de la Station Deux", reprit Gil Bates après les quelques instants nécessaires pour que les sept milliards de téléspectateurs assimilent le choc, "Car la Station Deux n'est pas destinée à rester dans la banlieue de la Terre. C'est un vaisseau interplanétaire, destiné à rejoindre la planète Mars." A l'intérieur de la station, tous se mirent à flotter dans l'air: de petites fusées latérales venaient d'arrêter sa rotation autour de son axe. Avant de reprendre, Bates ainsi que tous les autres membres de l'équipage, s'attachèrent sur leurs sièges, sur ce qui était, jusque là une paroi, et qui était sur le point de devenir le plancher. "Dans quelques secondes, les fusées dont est équipé ce vaisseau nous arracheront à l'attraction du couple Terre-Lune, et alors, profitant d'une bonne fenêtre de lancement qui place Mars à une distance idéale de la Terre, ces temps-ci, nous partirons." Encore une petite pause, puis: "Aucun de nous n'a l'intention de revenir sur la Terre, désormais, nous considérons Mars comme notre monde. Quant à mon empire, des hommes de confiance, ainsi que des programmes spéciaux déclenchés à l'instant de mon départ, s'occupent de le redistribuer, de façon qu'il ne s'écroule pas, et l'économie mondiale avec." Bates marqua une nouvelle pause, pensant avec un rien d'ironie que cette immense redistribution des richesses le ferait probablement considérer dans l'avenir comme le plus grand philanthrope ayant jamais vécu, alors qu'ainsi, il s'assurait qu'aucune structure ne serait désormais suffisamment puissante pour construire un nouveau vaisseau interplanétaire avant longtemps... "Mars est un monde vierge, où tout, jusqu'à l'atmosphère, est à construire. C'est le commencement d'une aventure qui marque une aube nouvelle pour l'Humanité. Pour la première fois, notre espèce vivra sur plus d'un corps céleste à la fois..." Les tuyères laissèrent échapper une langue de flammes de plusieurs kilomètres, visible sans effort depuis la face nocturne de la Terre. Mitch Viktor regarda une dernière fois la Terre, par le hublot, repensant à... A tant de choses qu'il y avait vécues... Gil Bates n'accorda pas cette faveur à sa planète natale. Il ferma les yeux. Le globe bleu et blanc qui était resté à la même place dans le ciel depuis le début de la construction du vaisseau sembla tressaillir, puis commença à s'éloigner, de plus en plus vite...
"Faites vos jeux!", annonça le croupier d'une voix soulagée, pensant que la belle jeune femme s'en irait, à cours d'argent. Autour de la table, si quelques joueurs avaient déjà déposé leurs mises, une grande partie des autres semblaient attendre que celle-ci depose une nouvelle poignée de plaquettes, tandis qu'un silence moite s'installait dans la salle.
Puis l'énigmatique jeune femme parla, pour la première fois de la
soirée...
Le croupier hésitait. Le réglement interdisait formellement d'accepter des mises sous une autre forme que les plaquettes bancaires du Casino, toutefois... Toutefois, pour cette cliente exceptionnelle, peut-être le directeur accepterait-il... "Monsieur, acceptez!" C'était la voix du directeur, qui venait juste d'arriver à la table. Celui-ci offrit un sourire éc›urant de concupiscence à sa cliente, qui ne lui répondit rien. "Ah, monsieur le directeur! et bien... Dans ce cas, madame... Que désirez-vous miser?" Sans répondre, celle-ci tendit sa main droite, où brillait un bracelet de diamants, à son garde du corps, en lui disant "Sur le 17". "Attendez! Avant de déposer votre mise, laissez la banque jouer aussi!" Le directeur ouvrit le passage jusqu'à la table à un chariot encadré par quatre gardes armés jusqu'aux dents, transportant l'intégralité des recettes de la semaine. Un signal discret du directeur, et le croupier comprit que, cette fois-ci, la belle inconnue gagnerait. "Il est fou!", pensa-t-il, "Il est plus qu'évident qu'il compte conquérir les faveurs de cette cliente!" Puis, il eut une pensée résignée: "Après tout, c'est SON casino..." Les regards de l'assistance, rivés au chariot, s'étaient l'espace d'un instant détournés de la jeune femme, mais un craquement sourd, suivi d'un bruit de déchirement, les ramena à la table... Sous les yeux horrifiés des joueurs, sur la case numéro 17, un avant-bras gracile, terminé par une plaie béante et prolongé par une main féminine, poissait le feutre vert du tapis ... La joueuse, dont le bras à présent ne portait plus qu'un moignon sanglant, se rassit, impassible, ainsi que ses deux gardes du corps. Le directeur s'évanouit. "Les jeux sont faits, rien ne va plus!", annonça le croupier, dans un état semi-hypnotique, tout en lançant la roulette... |