La mort |
-"A tout l'équipage, nous approchons de notre premier point de rendez-vous", annonça la voix de Mitch Viktor dans tous les haut-parleurs de la Station Deux, "que chacun veuille bien se rendre à la baie principale pour la cérémonie." La cérémonie allait être les funérailles de Gil Bates, mort peu après le départ du vaisseau interplanétaire, trois mois auparavant. Le vieil homme, semblait-il, ayant réalisé son rêve, s'était éteint doucement, dans son sommeil, et on l'avait retrouvé, endormi pour toujours, les mains crispées sur une antique disquette contenant le programme qui avait été à l'origine de sa fortune fabuleuse. Les membres de l'équipage ayant depuis longtemps décidé de couper tout lien avec leurs origines, la Terre n'avait pas été mise au courant de l'événement, tout comme d'ailleurs aucune information ne lui avait jamais été transmise. Beaucoup tenaient à rendre hommage une dernière fois au grand homme, et c'est pourquoi il avait été décidé d'enterrer sa dépouille sur le satellite Phobos, qui lui serait ainsi symboliquement dédié, et duquel, toute l'éternité durant, sa disquette au creux des mains, il pourrait contempler la planète rouge... Et c'est donc cet astre minuscule qui était leur premier point de rendez-vous, avant Mars elle-même, qui serait leur nouveau monde.
-"Vois-tu, Alexia", expliqua Xris, "Lorsque le deuxième garde est arrivé, il avait littéralement l'esprit ailleurs ; il ne pensait pas du tout à son travail. Mais ça a changé juste un instant avant que les canons-laser de la Centrale ne réagissent à sa présence." -"Et alors ? Quel est le lien avec la solution que tu es si content d'avoir trouvée ?" -"Sa dernière pensée a été une prise de conscience de l'endroit où il se trouvait, de la situation anormale, et surtout, il a pensé à une attaque dirigée contre la Centrale !" -"Tu veux dire que le système de sécurité serait basé sur un dispositif automatique de détection des pensées ?" -"Non, je ne pense pas que ce soit si perfectionné. Je pense plutôt qu'il s'agisse de détection d'émotions agressives et d'attitudes d'attaque." C'est à ce point-là de la discussion qu'intervint Vengeance : -"Ami, pourquoi détection de pensées ne/pas être penses-tu ?" -"J'ai assisté à l'exécution d'un animal sans pensées déchiffrables, mais qui était en train de courir avec pour émotion dominante une irrésistible envie de manger la chair du cadavre du premier garde... Et puis, dernièrement, le deuxième garde s'est mis à courir en ayant à l'esprit des images d'attaque de la Centrale. Il a été tué par les défenses automatiques de celle-ci malgré le fait que ses pensées ne fussent pas dirigées contre elle." -"Ah, je/nous comprendre... Système/mécanisme d'acquisition de données très fruste sembler... Source-Loup cette analyse approuver." -"Tu communiques avec Leu ?" -"Toujours je/nous à Source-loup lié/s être." Xris avait un instant oublié le lien très particulier qui faisait de Leu et des loups en quelque sorte une entité collective, et il eut pendant une seconde une pensée gênée vis-à-vis d'Alexia : n'etait-elle pas, elle aussi, une création du magicien, et à ce titre une autre partie de son être ? Il se reprit bien vite, se souvenant du fait qu'après les loups, les êtres sortis de l'imagination de Leu avaient acquis une plus grande autonomie... De là, bien que leur existence fût étroitement liée à la vie de leur créateur, il n'existait pas de liaison aussi forte entre eux que pour les loups. On pouvait d'une certaine manière les considérer comme des reflets lointains, et non comme des extensions de l'esprit de Leu... -"Bien sûr... Et bien je suis content que Leu partage mes conclusions." Xris se releva et se dirigea vers Alexia, en déclarant d'un ton désormais décidé : -"Et bien il semble que la suite des évênements soit évidente."
Un murmure de surprise parcourut la ville gigantesque quand un éblouissant éclair de lumière bleue se matérialisa au sommet de la colline du Temple du Temps. Durant quelques secondes, ceux qui étaient en train de consulter l'heure au moment de l'apparition en restèrent aveuglés. Leu venait d'arriver au centre d'Eurar. -"A présent, c'est mon tour !" clama le roi déchu d'une voix de tonnerre, qui résonna dans toute l'immense caverne. Dans la ville-continent, toute activité fut instantanément suspendue. Le vent commença à souffler. Un vent glacé, inquiétant. Un vent qui figeait de terreur la population. Le roi ennemi était vivant. Et de retour. Il n'avait plus rien d'humain. La lumière qui émanait de lui était d'une intensité insupportable. Sa voix terrible continua: -"Peuples d'Eurar, la ville maudite..." Au loin, on entendait faiblement comme le hurlement d'une meute de loups... -"Peuples d'Eurar, la fin de votre ville est arrivée !" Leu fit les quelques pas qui le séparaient du centre des trois tours du Temps. Il étendit le bras, le poing fermé. -"Peuples d'Eurar, la fin de votre monde est arrivée !" Il ouvrit la main, paume vers le bas.
L'amiral Ug Andar, commandant l'une des trois usines flottantes chargées de produire, et d'expédier en direction de l'île, un chapelet de missiles à antimatière, vit partir le dernier de ces engins de mort. Il était visiblement très soulagé. -"Et bien, messieurs, je suis content de ne plus avoir cette saleté sous mes pieds !", annonça-t-il aux officiers présents dans la salle de contrôle. Son soulagement était visiblement partagé par tous. Il reprit, pour accentuer ce soulagement, "C'est d'autant plus agréable que, d'après nos physiciens, nous ne pouvons pas nous permettre une attaque plus massive, car cela mettrait la planète elle-même en danger !" Il enleva sa casquette, dont la seule fonction était de dissimuler sa calvitie, et la posa sur la grande table. Son soulagament prit la forme d'un soupir sonore, bien vite repris en choeur. Les écrans de visualisation montraient les images de la file de bombes, retransmises depuis divers points de la trajectoire prévue par les avions avions et hélicoptères de l'armée. C'est quand le premier des missiles arriva à destination qu'il se passa quelque chose de troublant. -"Voilà. Le premier choc va avoir lieu ; ou alors il ne se passera rien, comme lors de l'attaque nucléaire de l'an dernier.", dit-il pour meubler le silence. En fait, personne ne pensait que l'attaque aurait un quelconque effet : les missiles nucléaires de l'année précédente n'avaient eu strictement aucune réaction, et l'attaque s'était soldée par un échec complet. Mais cette fois-ci, il y eut un résultat. Mais pas le résultat attendu.
Xris s'approcha d'Alexia, tout en poursuivant ce qu'il avait commencé à dire : -"Il est fort probable qu'outre les émotions ou les gestes agressifs, le système de sécurité de la Centrale soit aussi réglé pour détecter et éliminer les êtres imaginaires, qui sont considérés comme les ennemis les plus dangereux du gouvernement d'Eurar." Il s'assit auprès d'elle, et fit un geste en direction de Vengeance. -"Laisse-nous, s'il te plaît. Tu sais ce que je vais faire, mais laisse-moi l'impresssion de garder un peu d'intimité." -"Source-Loup me/nous rappelle... Le rejoindre je/nous devoir." La louve se volatilisa, laissant sur place Xris et Alexia. Une fois laissé seul avec la jeune sorcière, il se tourna vers elle, prit sa main dans la sienne, et, la fixant intensément : -"Alexia, je suis le seul de nous tous à pouvoir approcher la Centrale. Je dois pour cela avoir au premier plan de mes pensées quelque chose de totalement opposé à toute idée agressive. Tu ne sais pas lire les pensées. Mais tu sais interpréter avec justesse les sentiments. Vas-y, je t'autorise à regarder au fond de mon âme..." Elle rougit violemment, une larme coula sur le côté de son visage. -"Xris, pourquoi crois-tu que, depuis plusieurs jours, mes deux soeurs se tiennent à l'écart de nous ?" -"Tu savais ?" -"Elles savaient. Tu ne leur avais pas interdit de lire ton esprit, à elles. Elles ne m'ont rien dit, par loyauté envers toi, mais je me doutais, un peu... Je ne pensais pas que c'était à ce point-là." Sa main serra celle de Xris. Celui-ci sentit brièvement le souffle lui manquer. -"Si je ne reviens pas, dis-leur que je ne cherchais pas à vous séparer." -"Je sais, et elles savent aussi. Nous t'aimons toutes les trois, même si tu n'aimes que moi." -"Je les aime aussi." -"Tu sais que ce n'est pas la même chose. Tu es fait comme ça." Tous deux pleuraient, mais c'était de bonheur. Xris se releva, et juste avant de prendre la direction du portail de la Centrale, il se retourna une dernière fois vers celle qui était désormais toutes ses pensées. -"Merci."
De la main de Leu, c'est une graine minuscule qui tomba au sol. Le vent se mit à souffler plus fort, et les hurlement se firent moins lointains. Des regards inquiets se tournaient vers les hautes falaises de l'Est de la ville, d'où les plus proches semblaient se faire entendre... Le magicien baissa le regard vers la graine qu'il avait lachée. Son regard n'était que haine et fureur. La graine s'enfonça dans le sol. Il sembla exploser dans un déchaînement d'énergie... Et ne fut plus là. Le vent cessa immédiatement, et les hurlements de même... L'Ennemi n'était plus là. Peu à peu, les gens émergèrent de l'hébétude, beaucoup tremblaient encore de peur... Par endroits, des scènes d'hysterie collective commençaient à éclater...
Dans ses appartements, Mivi, qui avait suivi l'évênement sur grand écran, ne put retenir un sifflement admiratif: -"Quel comédien, ce Leu !... C'est juste bon à impressionner le bon peuple, ça, mais quelle classe !" Puis, s'adressant à un commando-milice en patrouille dans la ville : -"Commando IMM-1107, dirigez-vous sur la colline du Temps. Tâchez de savoir ce qui s'y est passé !" -"Bien compris, monsieur, nous y rendons." Son mouvememnt suivant fut de faire une annonce générale sur le réseau de la Police Municipale: -"A tous les commandos-milices ! Ici Mivi. Je ne veux pas de scènes de panique dans la ville. Vous avez carte blanche pour maintenir l'ordre jusqu'au réglement de la crise. Permission de tuer ! Je répète : permission de tuer ! Sans restriction !" Puis il releva la tête vers l'afficheur pour y lire la toute dernière mesure :
-"Oui... Ce n'est pas pour tout de suite, mais ça ne va pas non plus beaucoup tarder..."
La capsule contenant le corps desséché du multi-milliardaire fut transportée en grande pompe par une quinzaine d'astronautes en scaphandre mobile vers la surface accidentée de Phobos. Là, sous le regard des autres membres de l'équipage, réunis pour l'occasion dans la grande baie de la Station Deux, ils entreprirent d'inhumer le cercueil à l'intérieur d'un cratère... En fait de cercueil, article qui n'avait pas été prévu dans le matériel du vaisseau, Bates avait été placé dans une capsule de survie pressurisée, le type de capsule embarquant une provision d'air qui permettrait à un humain de tenir plusieurs dizaines d'heures... Et complètement inutile pour un mort. Mais pour la plupart, les astronautes ne se souciaient pas de ce détail incongru. Le devoir funèbre achevé, ils se dirigèrent vers le sas d'entrée du grand vaisseau. La porte intérieure du sas s'ouvrit en grand sur la baie principale, où le reste de l'équipage attendait pour les derniers mots d'adieu, symboliques, qui scelleraient réellement la fin de l'ère Bates... Le vaisseau s'éloignait à présent du Satellite. -"C'était un grand homme !", commença Ron Nerina, l'archiviste énorme et à la barbe hirsute, très connu à bord pour sa loyauté envers le disparu et pour sa compétence dans sa spécialité, mais moins connu pour sa malhonnêteté maladive. -"C'était un génie !", continua Eric Chodon, ingénieur hydroponiste, approuvé par un murmure général... Certains avaient du mal à cacher leurs larmes. -"Il était bon et généreux ; il n'a pas hésité un seul instant à distribuer toute sa fortune au monde entier, quand il est parti.", ajouta Mildred Nilsen, chef-ingénieur des transmissions. Les autres membres de l'équipe de service funèbre, dont Mitch Viktor, le capitaine, et Eleana Moltke, le premier médecin de bord, avaient le regard absent et ne purent rien ajouter, comme beaucoup... Ils restèrent ainsi, debout, près de l'entrée, sans rien dire, longtemps... Très longtemps...
Une demi-sphère noire apparut, recouvrant entièrement l'île et ses environs. Il ne semblait y avoir aucune solution de continuité entre sa surface et le reste du monde, et pourtant elle semblait incroyablement nette, comme un objet rigide. Les vagues de l'Océan s'y engouffraient comme si elle n'existait pas, mais aucune lumière n'en sortait, et pire, rien du tout ne semblait en sortir... Le premier missile pénétra la surface de l'enveloppe sphérique sans être ralenti. Il sembla toutefois laisser une légère tache rougeâtre après son passage, tache qui se résorba bien vite. Le deuxième missile le suivi quelques secondes plus tard, suivi des premiers qui arrivaient en provenance des deux autres usines flottantes. Bientôt, on vit trois flots de bombes se jeter dans la sphère qui entourait leur cible. Chaque missile, à l'instar du premier, laissait une trace à la surface du bouclier... Et ces traces avaient l'air de moins en moins vagues et de plus en plus longues à disparaître.
Popol le dérangé (c'était son surnom dans ce sordide quartier d'Eurar, qui avait autrefois connu la splendeur) se jucha sur une caisse vide empestant le mauvais vin pour s'adresser à la foule confuse et inquiète. -"Messieurs et mesdames, je suis très fier de vous annoncer que moi, Popol le dérangé, ai décidé de devenir le ciment qui va tous nous rassembler ! Nous sommes intrinsèquement une grande famille soudée, et il est inadmissible d'avoir à subir la loi de la police ! J'ai l'intention de donner vingt-quatre heures au gouvernement militaire provisoire de la ville pour lever ce putain d'état de siège et..." ... Et le reste de sa déclaration fut noyé par un éclat de rire général.
-"Que se passe-t'il ?", s'étonna Ug Andar, en même temps que ses officiers, devant se qui passait sur les écrans, "On dirait que la sphère qui vient d'apparaître avale tout ce qui rentre dedans !" -"Oui, et regardez, Ug.", remarqua Amal Trebor, commandant du détachement aérien, "chaque missile laisse une marque dans cette sphère..." -"Ma foi, vous avez raison, Amal... Qu'arrive-t'il ? Qu'est-ce que cela peut bien signifier ?" -"On dirait que chaque marque est plus intense que la précédente... Serions-nous en présence d'un bouclier qui encaisse plus ou moins bien ce que nous lui envoyons ?" -"Ouais, bof... De toutes façons, ça n'est pas très brillant, comme arme suprême... Je crois qu'on pourra repasser." -"J'ai peur que vous ayiez raison... Il va falloir espérer que la déclaration de non-ingérence faite au général Hermann il y a quelques années sera respectée, parce que si ils peuvent arrêter aussi facilement cette offensive, je n'ose imaginer ce qui se passerait s'ils décidaient de nous attaquer." -"Bah !... Il n'y a pas que du mauvais, dans cette histoire : au moins, la technologie de l'antimatière pourra servir comme source d'énergie, dans l'avenir... Et pourquoi pas pour les voyages spatiaux ?"
-"Mère ?", demanda Silvio à Kagami, "Que fais-tu ?" Silvio voyait les missiles arriver à la queue leu leu, et il les voyait aussi disparaître incontinent... Ce qui le troublait légèrement, c'était les gestes que faisait sa mère en direction de ceux-ci, immédiatement après leur disparition. -"Oh, rien de bien spécial !", répondit-elle, "nous sommes entourés par une sphère qui offre une apparence totalement opaque et sombre, vue de l'extérieur. Et les humains qui surveillent cette attaque en ce moment, au travers des caméras portées par les engins qui volent alentour, ne voyent qu'une chose : les missiles entrer dans une sphère noire." Elle s'interrompit un instant pour recommencer sa manoeuvre, en direction d'un nouveau missile, pour reprendre : "sitôt qu'un objet de l'extérieur entre en contact avec la sphère, il devient un objet non physique. Il ne peut plus maintenir sa présence dans l'univers, et il disparaît. Je me faisais du souci, quand j'ai imaginé cette solution à cet assaut, car l'eau de l'océan, l'air, et beaucoup d'autre choses sont en train de disparaître par la même occasion. J'avais peur que l'attaque dure trop longtemps, mais il semble que la production des trois grands vaisseaux qui nous envoient les bombes se soit tarie." -"Mais si tous les missiles disparaissent d'eux-mêmes, que fais-tu donc ?" -"J'offre un peu de spectacle aux humains, pour leur éviter l'ennui : je fais apparaître une petite trace à la surface de la sphère, après le passage de chaque bombe." -"Pourquoi donc ?" -"Pour qu'ils ne soient pas trop déçus du manque d'effets de leur attaque, tiens ! Ils ont mis plusieurs années à développer la technologie qui leur a permis de la lancer. Pour même leur donner un minimum de confiance en eux-mêmes et leur capacité à progresser, je fais en sorte que la tache laissée sur la sphère soit un peu plus marquée à chaque fois." -"Ca alors !", Silvio était plongé dans un abîme de perplexité quant à la stratégie de sa mère... Mais il préféra laisser ce sujet de discussion pour enchaîner : "Au fait, comment se fait-il que de notre côté, nous ne puissions même pas voir cette sphère ?" -"C'est de la magie, mon fils, voyons !", répondit sa mère à Silvio, avec un clin d'oeil.
-"Commando IMM-1107 au conseiller Mivi ! Rapport d'intervention sur la colline du Temps !" -"Parlez !", répondit Mivi, tout en observant les hommes du commando sur l'écran de la caméra de surveillance. -"Tout va bien ! Rien à signaler ! Demandons permission d'aller maintenir l'ordre en ville !" -"Accordée ! Bonne journée !" Les policiers sourièrent, et se dirigèrent vers la sortie du temple, laissant la caméra de contrôle filmer la place. L'oeil perçant de Mivi perçut immédiatement quelque chose d'anormal, il réagit aussitôt : -"Commando IMM-1107 ! Retournez sans attendre sur la place du temple ! Vous vous amuserez plus tard ! Que fait cet arbre en plein milieu ?" Les membres de l'équipe d'intervention se retournèrent, et découvrirent en même temps que Mivi ce qui se passait : Au centre géométrique des trois tours du Temps, le coeur de la ville d'Eurar, un arbre, qui n'était pas là quelques instants auparavant, était en train de croître à une vitesse incroyable... un chêne. Et Mivi de siffler pour lui-même entre ses dents quelque chose d'incompréhensible pour tout autre que lui : -"Ma parole, mais il se prend pour Totoro !"
Ils se retrouvèrent seuls. -"C'était une rogne infâme.", commença Mitch, d'une voix sourde. -"Un malade mental, un danger pour toute l'humanité.", continua Eleana, approuvée par un petit ricanement général. -"C'était le moment ou jamais de nous en débarrasser. Jusqu'au départ, il nous avait bien servi... En bas, il aurait eu quelques années de plus pour nous empoisonner l'existence, ce petit con.", conclut Piotr Tilla... Tous éclatèrent de rire. Eleana enchaîna, demandant à Mitch : -"Comment as-tu fait, pour retrouver une de ses disquettes, il y a trois mois ?" -"Ah ! Je l'attendais, celle-là !... Tu n'as pas deviné ? Ce n'était pas son logiciel, qui était dessus, contrairement à ce qu'indiquait l'étiquette... Evidemment !" -"Mais... Il y avait bien quelque chose dessus. Te connaissant, je ne pense pas que tu lui aurais glissé une disquette vierge dans les mains..." -"Hem, et bien, en fait... J'ai bien mis quelque chose dans la disquette, ce matin, histoire de lui rendre un petit hommage bien mérité..." -"On peut savoir quoi ?" -"Le détonateur." -"Pardon ?" -"Le détonateur de la charge incendiaire de cinq kilos que j'ai malencontreusement oubliée dans son abdomen, quand je l'ai vidé, euh... embaumé." Elena, ainsi que les autres membres du petit groupe, en restèrent bouche bée. Pendant ce temps, sur Phobos, dans la capsule mortuaire, les restes du cadavre soigneusement desséché de Gil Bates, l'ex-homme le plus haï de la Terre, achevaient de se consumer. Ainsi prenait fin l'éternité posthume et éphémère du milliardaire... |