A propos de la loi "Fabius Gayssot"

Commentaire écrit et assumé par Augustin Vidovic.
Le langage est parfois cru, alors sachez lire.
Merci de me faire part de vos remarques, si elles sont constructives. Les insultes et parlottes dans le vide iront à la poubelle, ou bien seront publiées dans un bêtisier, avec identification de leur auteur. Vous voici prévenus.
Bon, on va se faire plaisir...
  • Loi n°90-615 du 13 juillet 1990, dite "Loi Fabius-Gayssot", du nom de ses deux auteurs principaux, Fabius (PS), et Gayssot (PC).
    Cette loi modifie (article 24 bis) la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.
    Elle a été adoptée à la va-vite la veille du 14 juillet, par un troupeau de députés qui faisaient dans leurs frocs et n'osaient rien dire, sous prétexte qu'il y avait un million de zombies dans la rue qui manifestaient à propos d'une affaire de violation de tombe jamais élucidée.
    Cette loi stipule que :
    Art. 24 bis (L. n. 90-615, 13 juill, 1990, art. 9) : Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l'article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexe à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.

  • Le mot crucial, contester. Voici sa définition dans le Dictionnaire de l'Académie française :
    CONTESTER v. tr. XIVe siècle. Emprunté du latin contestari, proprement « prendre à témoin », puis « commencer un débat judiciaire en produisant des témoins ».
    1. DROIT. Introduire une instance pour discuter un droit qu'un autre revendique. On lui conteste cette succession. Je ne lui conteste pas le droit de passage. Une créance contestée. Par méton. Contester un juré, le récuser. Absolt. Vieilli. Ester en justice. Je ne veux pas contester avec vous. C'est un homme qui se plaît à contester. 2. Par ext. Mettre en discussion, ne pas reconnaître comme juste, exact, fondé. Je ne conteste pas ses qualités. Il conteste votre version des faits. Elle conteste qu'il ait été franc avec elle. Je ne conteste pas qu'il m'a toujours soutenu dans mes efforts. Des théories scientifiques, des thèses historiques contestées. Par méton. Un professeur, un examinateur contesté, dont la compétence est discutée. Une personnalité contestée, une œuvre contestée, dont la valeur est mise en doute. Spécialt. Refuser, remettre en cause les valeurs admises. Contester les institutions politiques et sociales, la morale, la culture de son temps. Absolt. La jeunesse aime contester.
    On notera qu'un des exemples-types de cette définition est bel et bien des thèses historiques contestées, car c'est le propre de la démarche historique.

  • Un peu superflu, voici l'article 23 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 :
    Art. 23 : Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférées dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet.
    Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n'aura été suivie que d'une tentative de crime prévue par l'article 2 du Code pénal.

  • L'alinéa 6 de l'article 24 donne la peine encourue :
    [...] un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 2000 F à 300 000 F ou [...] l'une de ces deux peines seulement.

  • Le statut du tribunal militaire international annexe à l'accord de Londres du 8 août 1945 dont il est question sans le nommer est le statut du Tribunal de Nuremberg. On notera au passage que la loi Gayssot s'appuie sur un texte étranger, qui n'a pas été intégré aux lois françaises. Je ne suis pas spécialiste en droit, mais cela me paraît au minimum très étrange. Si vous avez d'autres exemples de bananisation de ce type, indiquez-les moi par mail, je sens qu'on va les collectionner.
    Voici son article 6 :
    Article 6 : Le Tribunal établi par l'Accord mentionné à l'article premier ci-dessus [l'accord de Londres] pour le jugement et le châtiment des grands criminels de guerre des pays européens de l'Axe, sera compétent pour juger et punir toutes personnes qui, agissant pour le compte des pays européens de l'Axe, auront commis, individuellement ou è titre de membres d'organisations, l'un quelconque des crimes suivants :
    Les actes suivants ou l'un quelconque d'entre eux sont des crimes soumis è la juridiction du Tribunal et entraînant une responsabilité individuelle :
    • a) Les crimes contre la paix : c'est è dire la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression ou d'une guerre de violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation è un plan concerté ou è un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précèdent ;
    • b) Les crimes de guerre : c'est à dire les violations des lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées, l'assassinat, les mauvais traitements ou la déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l'assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l'exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif, des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires ;
    • c) Les crimes contre l'humanité : c'est à dire l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis è la suite de tout crime entrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime.

    Les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part è l'élaboration ou è l'exécution d'un plan concerté ou dun complot pour commettre l'un quelconque des crimes ci-dessus définis sont responsables de tous les actes accomplis par toutes personnes, en exécution de ce plan.
    Petit détail qui ne manque pas d'intérêt : cet article précise que le texte ne s'applique qu'aux seuls pays de l'Axe européen, c'est à dire l'Allemagne et ses alliés en Europe. Inutile de se voiler la face : les statuts du tribunal de Nuremberg sont tout simplement ceux d'un tribunal des vainqueurs. C'est une façon de s'acharner sur l'ennemi après sa défaite.
    Le point (c) est très habile, car il donne une définition du terme "crimes contre l'humanité", et dans le même souffle, donne un effet rétroactif au procès et supprime la légalité que ce que les faits pourraient avoir dans le droit interne du pays où ils ont été perpétrés. Là encore, je ne suis pas spécialiste en droit, mais je fronce le sourcil. L'internement en camps de concentration par les américains des allemands et japonais sur leur sol, par exemple, parfaitement légal au demeurant, aux USA, ne fait pas l'objet du même traitement. C'est juste un exemple de la même époque...
    Ce même article introduit aussi une limitation stricte du champ d'application du tribunal de Nuremberg, au passage.
    Si vous avez d'autres exemples de ce genre de tribunal des vainqueurs, indiquez-les moi par mail, on va se faire une petite vitrine, comme ça, pour le plaisir...

  • L'Article 9 est encore plus beau :
    Article 9
    Lors d'un procès intenté contre tout membre d'un groupement ou d'une organisation quelconque, le Tribunal pourra déclarer (à l'occasion de tout acte dont cet individu pourrait être reconnu coupable) que le groupement, ou l'organisation à laquelle il appartenait était une organisation criminelle.
    Après avoir reçu l'Acte d'accusation, le Tribunal devra faire connaître, de la manière qu'il jugera opportune, que le Ministère public a l'intention de demander au Tribunal de faire une déclaration en ce sens et tout membre de l'organisation aura le droit de demander au Tribunal à être entendu par celui-ci, sur la question du caractère criminel de l'organisation. Le Tribunal aura compétence pour accéder à cette demande ou la rejeter, le Tribunal pourra fixer le mode selon lequel les requérants seront représentés et entendus.
    Là, c'est super, c'est la fête, le flou le plus total. Qu'est-ce qu'on rigole. La loi Fabius Gayssot importe ce flou total dans la loi française.

Il faut maintenant se rendre compte qu'avec l'internet, nous sommes tous des éditeurs, j'ai la flemme de chercher la jurisprudence (Estelle Halliday, Yahoo, etc), mais les exemples abondent et poussent dans le sens de la répression de l'expression des particuliers.

Donc, en fait, la loi Fabius Gayssot, une fois "déroulée", donnerait ceci :

Seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 2000 F à 300 000 F ou de l'une de ces deux peines seulement ceux qui auront, par en fait n'importe quel moyen permettant de communiquer avec d'autres, y compris l'internet, discuté de l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité, c'est à dire l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain contre toutes populations civiles, avant ou pendant la seconde guerre mondiale, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, commis spécifiquement par toutes personnes agissant pour le compte des pays européens de l'Axe, par les membres d'une organisation dont le tribunal de Nuremberg a déclaré qu'elle était criminelle au cours du procès de Nuremberg, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.
On résume :
Si vous osez émettre le moindre doute sur ce qui a pu se dire lors du procès de Nuremberg, on vous fait payer une amende et/ou on vous fout en taule.
Autrement dit, il est impossible de faire de la recherche historique sur l'histoire de la seconde guerre mondiale, en france : la loi Fabius Gayssot institue les minutes du procès de Nuremberg en vérité historique définitive. Je ne crois pas qu'on soit tombé aussi bas depuis l'inquisition.

Conclusion

La loi du 19 juillet 1881 garantissait la liberté de la presse et contribuait au rayonnement de la France.
La loi Fabius Gayssot, un siècle plus tard, l'a pervertie au point que la france est devenue un pays à éviter, si on veut pouvoir discuter librement. Le même genre de loi liberticide a été adopté en Suisse, en Allemagne, sous couvert de lutte contre le racisme (on se marre, ça ne veut rien dire). Si vous connaissez d'autres pays qui sont tombés dans ce panneau, indiquez-les moi par mail, qu'on fasse une liste des endroits où il n'est pas bon d'aller en vacances.
Je fais partie de ceux qui espèrent l'abrogation de cette loi. Pour rigoler un coup, je ne verrais pas non plus d'un mauvais oeil un "tribunal des vainqueurs" pour juger des "crimes contre la liberté" des auteurs de cette loi, juste pour leur servir un peu de leur propre soupe.

Additions

  • Apparemment, depuis que j'ai pondu cette bafouille, d'autres pays d'Europe se sont engagés sur la voie du totalitarisme, mais le plus surprenant est que, loin de l'Europe et de son atmosphère délétère, le Canada, sans même avoir adopté de loi liberticide du type "Fabius-Gayssot", emprisonne dans des conditions médiévales les écrivains, comme le rapporte Tomislav Sunic.
  • Commentaire bref, mais intéressant, de Philippe Nemo, professeur à l'ESC de Paris.
  • Affaire Gollnisch : Très bonne page écrite par ses collègues et étudiants.
  • On (des français, bien sûr) m'a récemment pointé du doigt comme "raciste" parce que la présente page est sur mon site personnel. Plus qu'une attaque contre ma personne, dont je me moquerais bien, il s'agissait probablement d'une attaque par proxy contre un de mes amis, étant donné le contexte de cette ridicule accusation. Si quelqu'un voit un rapport entre le "racisme" (au passage, me donner la nouvelle définition, la langue française semble évoluer et devenir méconnaissable, ces temps-ci) et la critique d'une loi totalitaire, merci de m'éclairer, ça devient intéressant.